Originaire de Tokyo, Michihisa Yamaguchi est venu en France pour travailler dans l’agriculture. À force de persévérance, il est devenu maître fromager et travaille aujourd’hui dans un charmant village des Alpes.
Village savoyard à l’architecture traditionnelle et station de ski réputée, Les Gets compte l’une des plus petites fromageries de France, Fondée au début du 20e siècle, la Fruitière des Perrières ne transforme en effet chaque jour que de 140 à 500 l de lait et toute la production est vendue dans un petit magasin et un restaurant de spécialités fromagères installés dans ses anciens locaux, un beau bâtiment en bois et en pierre. C’est donc l’un des derniers lieux où l’on s’attend à rencontrer un maître fromager étranger, de surcroît japonais.
Depuis 2009 aux Gets Surnommé Miti par ses amis français, âgé de 36 ans, Michihisa Yamaguchi y officie depuis deux ans et a donné un nouveau souffle à l’entreprise en créant deux nouveaux fromages, le Bleu des Gets et le Saveur des Gets, le second inspiré du Gruyère. Grâce à son savoir faire, il a également amélioré la qualité des variétés qui étaient déjà fabriquées avant son arrivée : Abondance, Tomme des Gets et fromage à raclette. Et tout récemment, l’un de ses fromages a été présenté au Concours Général Agricole du Salon de l’Agriculture. Pourtant, rien ne prédestinait à devenir l’une des figures de ce petit village français et à faire ce métier car il a étudié la littérature médiévale japonaise. Mais il fait du vélo et regarde le Tour de France à la télévision depuis l’âge de 15 ans et il a trouvé son premier emploi dans une entreprise laitière nippone. « Je m’occupais uniquement de la gestion du personnel, mais cela m’a donné envie de me tourner vers l’agriculture car depuis le lycée j’aimais la campagne et les vaches », explique-t-il.
À la recherche d’un élevage laitier Quittant son emploi, il est donc parti pour Hokkaïdo, l’ïle du Nord du Japon, et a trouvé un stage dans une exploitation laitière de 160 vaches. « Mais c’était un élevage trop industriel, trop grand pour moi. Je recherchai quelque chose de plus authentique, comme les villages et les fermes que je voyais à la télévision le long du parcours du Tour de France ». C’est ainsi qu’il débarqua à Poitiers en 2002 et il commença par étudier le Français. Dans le même temps, il s’inscrivit dans un club de vélo et fit des centaines de kilomètres dans la campagne avoisinante. Mais, à sa grande déception, il ne vit aucune vache, seulement des chèvres et des champs de céréales. Au bout d’un, à l’été 2003, il choisit donc de déménager pour Chambéry et de nouveau fit du vélo à la recherche d’un élevage laitier où il pourrait travailler. « J’ai vu beaucoup de vaches mais pas de fermes », se souvient-il. « Les gens étaient intrigués de voir un Japonais se déplaçant seul à vélo et, comme je parlais mal le français, ils ne comprenaient pas ce que je cherchais ».
Deux ans à Chambéry Miti resta néanmoins deux ans à Chambéry pour étudier le Français et trouva près de la ville un élevage de bovins viandes où il passa beaucoup de temps et apprit énormément. Mais l n’avait toujours pas de travail.
Pour cette raison, en 2005 il décida de retourner au Japon pour mettre de l’argent de côté et passa un an à travailler sur des chaînes de montage de motos et de voitures Honda.
De retour en France en 2006, il s’inscrivit à l’ENIL, une école située à La Roche sur Forond, près d’Annecy, où il suivit une formation sur la transformation laitière. Une fois diplômé, il trouva enfin du travail dans une coopérative de Maurienne produisant du fromage où il resta pendant un an et demi. « Mais elle transformait près de 15 000 l de lait par jour, c’étais encore trop industriel pour moi ». C’est pourquoi en mars 2009 il répondit à une offre d’emploi de la Fruitière des Perrières.
Le travail qu’il cherchait Seul candidat à avoir présenté des fromages qu’il avait fabriqués, il obtint le poste qui correspond exactement à ce qu’il cherchait depuis si longtemps. Dans cette petite fromagerie traditionnelle, Miti jouit en effet d’une large autonomie et s’occupe de tout. Il réceptionne le lait apporté par les deux éleveurs fournissant la fruitière. Il fabrique les fromages et surveille leur affinage qui dure de 3 à 7 mois. Il accueille et guide même les groupes scolaires qui venant découvrir comment les fromages savoyards sont faits. « Les propriétaires me font confiance et me laissent travailler comme j’ai envie ». Bien que travaillant 6 jours sur 7, Miti continue à faire du vélo dans la montagne et en octobre dernier il s’est offert le vélo d’occasion d’un coureur professionnel, John Gadret, de l’équipe AG2R. ‘Pour célébrer mes 20 ans de cyclisme ».
Ses fromages préférés : Beaufort et Abondance De temps en temps, il voyage aussi en France pour découvrir les régions qu’il ne connaît pas encore. « J’apprécie le pays parce que les français conservent leur culture traditionnelle. Au Japon, la modernisation et l’américanisation de la société ont été un peu trop rapides ». Ceci dit il n’envisage pas la vie en France ailleurs qu’en Savoie. « Je me plais ici et je ne me sens pas étranger. J’aime les gens, leur hospitalité, les paysages de montagnes, les nombreuses races de vaches qui y vivent et c’est dans cette région que sont produits mes deux fromages préférés, le Beaufort et l’Abondance ». Et si un jour il doit retourner au Japon, où vit toute sa famille, il continuera à fabriquer des fromages, peut-être dans sa propre ferme si son rêve se réalise.