Sur les pas de Stevenson

Cévennes © T. Joly
A la fin du 19e siècle, l’écrivain Ecossais R.L Stevenson partait à la découverte des Cévennes. A l’occasion du 130e anniversaire de son voyage des manifestations seront organisées le long du chemin qu’il emprunta et qui serpente à travers de superbes paysages.

[ Pratique ]

Aller au Puy
- Route
540 km depuis Paris par les autoroutes A 6, A 10, A 71 et A 75 jusqu’à la sortie 20, puis N 102 jusqu’au Puy.
- Train
TGV Paris – Saint Etienne Chateaucreux puis TER jusqu’au Puy.
Aller à Saint-Jean-du-Gard
- Route
690 km depuis Paris par les autoroutes A 6, A 10, A 71 et A 75 jusqu’à Le Monastier-Pin-Mories, sortie Mende, puis N 88, N 106 et D 907, D983, D 9260 et D 907 jusqu’à Saint-Jean-du-Gard
- Train
TGV Paris Gare de Lyon – Nimes puis bus pour Saint-Jean-du-Gard avec Coopcar. Horaires : www.coopcar.fr
Aller dans d’autres villes
- Langogne : Train Corail Paris Gare de Lyon - Langogne via Clermond Ferrand.
- Bus Le Puy – Monastier en Gazeille. Transports Masson : 0471038580
- Bus Le Puy – Landos – Pradelles. Huchon Tourisme : 0466490381, www.hugon-tourisme.com
- Bus Ales – Cassagnas – Florac. Transport Reilhes : 0466450245
Se loger
- Le Topo Guide « Le Chemin de Stevenson » de la Fédération Française de Randonnée et le site internet www.chemin-stevenson.org ont la liste de tous les hébergements.
- Coups de cœur
Gîte d’étape de Malaffosse
Gîte d’Etape du Pont de Buren
Gîtes d’Etape de Mijavols
Gîtes d’Etape Le Refuge du Moure, à Cheylard L’Evêque
Gîtes d’Etape de Pradelles
Abbaye Notre Dame des Neiges
Informations
- CDT de Haute-Loire
www.mididelauvergne.com
- CDT de Lozère
www.lozere-tourisme.com
- CDT du Gard
www.tourismegard.com
- Topo Guide « Le Chemin de Stevenson » de la Fédération Française de Randonnée
- Association « Sur le Chemin de R.L Stevenson »
www.chemin-stevenson.org
En 1878 R.L Stevenson n’était qu’au début de sa carrière d’écrivain et n’avait pas encore publié les romans qui ont fait sa renommée, l’Ile au Trésor et Dr Jekyl et Mr Hyde. Jeune homme de 27 ans en proie à des tourments amoureux, il décida alors de partir en voyage pour oublier et faire le point sur sa vie. Mais pas n’importe où. Ce presbytérien pratiquant choisi en effet de partir à la découverte des Cévennes, région du sud-est de la France où les protestants, les Camisards, furent persécutés par Louis XIV au 17e – 18e siècles.


Monastier © T.Joly
 Un voyage de douze jours
Mal renseigné, il débuta toutefois son périple bien plus au nord, en Auvergne, dans le département de la Haute-Loire. Accompagné d’une ânesse appelée Modestine qui portait ses bagages, il se mit en route le 22 septembre. Douze jours et près de 200 km plus tard, il arriva à Saint-Jean du Gard, au nord de Nîmes, vendit l’animal et prit une diligence pour rejoindre Ales. Ce périple, il l’a immortalisé dans « Voyage avec un âne dans les Cévennes », un journal de route relatant ses aventures qui fourmille d’anecdotes et est un précieux témoignage sur la vie rurale à cette époque.
Aujourd’hui, un chemin de grande randonnée, le GR 70, dit Chemin de Stevenson, suit assez fidèlement son itinéraire. Seuls les passages où les sentiers du 19e siècle sont devenus de larges routes goudronnées ont été modifiés. Jalonnés de gîtes, de chambres d’hôtes et d’hôtels, il permet de suivre les pas de l’écrivain Ecossais et de revivre son voyage pendant quelques jours ou en intégralité. Il faut alors compter 10 – 12 jours. Pour coller encore plus à ses aventures, sur certains tronçons il est également possible de louer un âne, ce qu’apprécient particulièrement les enfants.



Le Puy © T.Joly
 Quatre régions distinctes
Ce chemin traverse quatre régions bien distinctes. Le Velay, le Gévaudan, le Mont Lozère et les Cévennes. Il débute aux Monastier-sur-Gazeille, bourgade qui conserve un château, des bâtiments monastiques transformés en mairie ainsi qu’une église romane ornée de belles fresques et recélant un beau trésor. Une stèle, élevée en 1965 par une Américaine, Betty Gladstone, rappelle le départ de Stevenson qui y séjourna environ un mois. Pour une question de facilité d’accès, de nombreux randonneurs commencent toutefois leur marche une vingtaine de km plus au nord, au Puy. Une ville pittoresque qui s’étage sur et autour des buttes et des pics d’origine volcanique. Egalement point de départ d’un des chemins de pèlerinage allant à Saint-Jacques de Compostelle, elle mérite amplement une visite avec ses ruelles médiévales, ses vieilles églises et sa cathédrale marquée d’influences orientales qui abrite une Vierge Noire vénérée depuis des siècles. Avec comme point d’orgue le 15 août quand elle est transportée à travers la ville par des pénitents blancs récitant des cantiques.


Velay © T.Joly
 Plateau fertile
Première région rencontrée, le Velay est un plateau fertile de 800 à 1100 m d’altitude essentiellement consacré à l’agriculture. Il est parsemé de puys, des anciens volcans aisément reconnaissables à leur silhouette dont les flancs sont couverts de forêts. Y randonner est accessible à tous. Les deux seules petites difficultés sont la sortie de la ville du Puy, très pentue, et la montée qui suit le franchissement de la Loire alors une petite rivière encaissée dans la montagne. Certains endroits ont toutefois un aspect plus rude, comme les alentours du Bouchet Saint Nicolas, où les prairies sont envahies de chardons. Ce qui a sans doute rappelé son Ecosse natale à Stevenson. Epuisé lorsqu’il y arriva, il renonça à l’idée d’aller voir le lac du Bouchet qui occupe un ancien cratère dont les parois sont couvertes de sapins. Un beau site qui vaut le détour. Il faut également prévoir quelques heures ou une nuit à Pradelles pour profiter de cette jolie petite ville aux ruelles tortueuses bordées d’édifices médiévaux et qui s’élève sur une crête dominant la campagne avoisinante.


Lozère © T.Joly
 La Bête du Gévaudan
Quelques km plus loin, le centre historique de Langogne est presque aussi intéressant. Conservant la forme circulaire de son rempart médiéval dont il subsiste quelques tours, il abrite de vieilles halles et une église dont les chapiteaux des colonnes sont décorés d’un florilège de monstres. Bâtie au bord de l’Allier, cette ville marque l’entrée dans le département de la Lozère et dans le Gévaudan. Une région tristement célèbre pour la bête monstrueuse qui au 18e siècle tua des dizaines d’enfants et de femmes. S’agissait-il d’un loups, d’un chien dressé à tuer ou de l’œuvre d’un sadique ?.. L’affaire n’a jamais été clairement résolue et un voile de mystère plane toujours sur ces événements dramatiques. Une histoire à faire froid dans le dos qui se marie bien avec l’aspect rude, sauvage et parfois inhospitalier de cette région. Marécages, tourbières, forêts épaisses, landes battues par le vent et chaos rocheux constituent en effet l’essentiel des paysages au relief plus accidenté mais encore accessible à tous les marcheurs.


Mirandol © T.Joly
 Exode rural
L’agriculture se limite à l’élevage de vaches rustiques et les fermes sont rares. Bien plus qu’à l’époque de Stevenson. L’exode rural à fait son œuvre comme en témoigne maisons et hameaux en ruines envahis par la végétation. Il n’est donc pas rare de marcher des heures et des heures sans rencontrer âme qui vive. Par contre les amoureux de la nature se réjouiront de pouvoir apercevoir des chevreuils, des sangliers et autres animaux. Il existe néanmoins quelques villages plein de charme où acheter des provisions et dormir, tels Cheylard L’Evêque dominé par une petite chapelle, ou Luc, blotti autour des ruines d’un imposant château médiéval.
Comme Stevenson, il faut faire halte à l’Abbaye Notre Dame des Neiges. Un oasis de paix et de sérénité niché au milieu des bois qui est tenu par des Frères Trappistes et où le Père de Foucault fut ordonné prêtre. Et les excellentes bières trappistes belges vendues au magasin de l’abbaye sont d’un grand réconfort après une longue journée de marche.



Mont Lozère © T.Joly
 Un paysage austère
Plus loin, à Mirandol, village terré au fond d’une gorge, le GR passe sous un immense viaduc ferroviaire. Signe de la rigueur du climat hivernal, la voie ferrée est par endroit à moitié enterrée et couverte de dalles pour éviter qu’elle ne soit bloquée par la neige. Puis, après les sources du Lot et le hameau des Alpiers, commence l’écosytème du Mont Lozère, point culminant du département et du GR avec 1 699 m. Une longue et dure ascension qu’il est possible de scinder en deux en dormant à la station de ski construite à 1 421 m d’altitude. Au delà les arbres disparaissent peu à peu pour laisser places à des étendues de bruyères et d’herbe rase jonchées de pierres et balayées par le vent où des troupeaux de moutons viennent paître en été. Un paysage austère et grandiose qui prend une dimension fantasmagorique lorsque la brume s’installe. Pour trouver le chemin il n’y a alors qu’une solution, suivre les Montjoies, de grandes pierres de granit plantées dans le sol par les habitants du pays pour ne pas se perdre quand ils étaient surpris par ce temps.


Pont-de-Montvert © T.Joly
 Un panorama qui émerveilla Stevenson
Curiosité historique, quelques-unes de ces pierres portent une croix de Malte, témoignage d’une époque où le Mont Lozère appartenait à cet ordre de moines soldats. Si le temps est dégagé, la vue depuis le sommet est somptueuse. A l’est se distinguent les Alpes et le Mont Ventoux, au sud s’étend la succession des crêtes des Cévennes qui prennent parfois une teinte bleutée. Un panorama qui émerveilla Stevenson. Sur l’autre versant les paysages sont tout aussi spectaculaires quoique plus boisés et plus agricoles. Le pays des Camisards, commence au Pont-de-Montvert, très beau village riche en maisons anciennes qui s’étend à la jonction de trois rivières, le Tarn, le Rieumalet et le Martinet. C’est là que débuta la révolte des Protestants et comme un symbole de ces luttes passées une église et un temple se font face sur deux collines.


Cévennes © T.Joly
 Tapis de bruyères
Si le Mont Lozère est passé, les randonneurs n’en ont pas pour autant terminé avec les difficultés car se profile à l’horizon le Signal de Bouges et ses 1 421 m. Soit plus de 600 m au-dessus du Pont-de-Montvert !!! Mais plus que partout ailleurs, les forêts regorgent de myrtilles et de fraises sauvages. De quoi faire oublier bien des souffrances. Et les paysages sont sans doute les plus beaux du périple avec des sommets et des crêtes dénudés parcourus par des moutons, des hameaux accrochés aux flancs des montagnes auxquelles des tapis de genets et surtout de bruyères donnent parfois une teinte de feu. Mais pour les habitants, les conditions de vie sont rudes et beaucoup vont chercher du travail ailleurs. Semblant tout droit sorti du passé et coupé du monde le petit village de Mijavols en est une parfaite illustration. Il n’y reste qu’un agriculteur.


Florac © T.Joly
 Une ville charmante
Plus bas, dans la vallée du Tarnon, Florac offre un visage bien plus doux avec ses places ombragées par les platanes et ses terrasses de café où les touristes prennent le soleil. Il s’agit de la plus grande ville rencontrée depuis le Puy et elle possède de nombreux attraits. Un château qui abrite un centre d’information sur le Parc National des Cévennes, un vieux quartier pittoresque, une source qui jaillit d’un chaos rocheux, une atmosphère chaleureuse et de bons restaurants. L’endroit idéal pour qui veut se reposer avant d’attaquer la dernière partie du GR. Une fois passé Florac, les paysages deviennent plus secs, plus méditerranéens et les châtaigniers sont partout, cultivés sur de petites terrasses soutenues par des murets en schistes. Pendant des siècles leurs fruits ont constitués l’aliment de base des paysans locaux. C’est également le cœur du pays Camisard, là où ils avaient leurs caches, leurs plus fortes positions. Et c’est toujours une terre protestante. Cassagnas est ainsi l’une des seules villes de France à avoir un temple mais pas d’église.


Saint-Etienne-de-Calberte © T.Joly
 Terre Protestante
Un peu partout, près des maisons des tombes familiales rappellent également que les non catholiques ne pouvaient pas se faire enterrer dans les cimetières. La chaleur, plus forte, rend parfois la marche épuisante, d’autant qu’il y a toujours des passages très pentus même si l’altitude est désormais inférieure à 1 000 m. L’une de ces ascensions conduit à la ligne de partage des eaux entre l’Atlantique et la Méditerranée. Sur 100 m, la végétation change complètement. Le hêtre laisse la place au chêne vert. De là, un petit détour mène au Plan de Fontmort où s’élève une stèle à la mémoire des Camisards. Suivant des anciennes routes royales construites pour surveiller la population, les mêmes qu’emprunta Stevenson dans son « pèlerinage » protestant, le GR traverse des paysages accidenté d’une âpre beauté souvent écrasés de chaleur en été. Heureusement, les nuits sont toujours fraîches et les ravissants villages situés le long du chemin donnent l’occasion de se mettre à l’ombre et de se désaltérer à la terrasse ombragée des cafés.


Saint-Jean-du-Gard © T.Joly
 Belle ville méridionale
Cependant, alors que la fin du périple approche, une dernière difficulté vient éprouver les randonneurs. Le col de Saint Pierre. Certes il ne culmine qu’à 596 m de haut, mais Stevenson qualifia à juste titre cette ascension de « Longue et pénible ». Mieux vaut donc le franchir le matin, avant qu’il ne fasse trop chaud. Ensuite, il n’y a plus que sept km à parcourir et c’est la fin. Belle ville méridionale à laquelle on accède par le même pont qu’au 19e siècle, Saint-Jean du Gard allie charme et tranquillité, tout ce que recherche un randonneur après tant d’effort et l’on peut y séjourner agréablement pendant quelques jours. Un musée y évoque la vie des vallées cévénoles, un train touristique à vapeur mène chaque jour à Anduze où se trouve une vaste bambouseraie et, pour approfondir ses connaissances sur l’histoire des Camisards, il y a le très intéressant Musée du Désert, à Mialet, à seulement onze km.

06 Avril 2012
Thierry Joly